Sur le fait d’échouer et de persévérer
Professeur, École de comptabilité
14 février 2017
Professeur, École de comptabilité
14 février 2017
Faire des erreurs est une des composantes de la condition mortelle et peut être l’un de vos outils d’apprentissage les plus productifs. Vous devez reconnaître vos erreurs mais, bien davantage, vous devez trouver un moyen de persévérer malgré elles.
Nous sommes toujours prêts à améliorer nos traductions. Si vous avez des suggestions, écrivez-nous à speeches.fra@byu.edu.
La musique a toujours été une partie très importante de ma vie. Presque tous les grands souvenirs de mon enfance sont liés à la musique d’une manière ou d’une autre : chanter avec ma famille lors de voyages en voiture pour passer le temps ; apprendre la musique de style « barbershop » avec ma mère et mes sœurs ; écouter le Tijuana Brass Band sur le tourne-disque tout en décorant notre sapin de Noël ; chanter le cantique préféré de mon père, « Dans nos foyers tout est beau » (voir Cantiques, 2002, n° 186), lors de la soirée familiale ; et admirer ma mère qui jouait de l’orgue pendant la réunion de Sainte-Cène chaque semaine, ce qu’elle fait encore au jeune âge de quatre-vingts ans. Comme la musique a joué un rôle si important dans ma jeunesse, vous ne serez pas surpris d’apprendre que j’ai pris des leçons de piano pendant dix ans, de l’âge de huit à dix-sept ans.
Ma première professeur de piano – nous l’appellerons Mme Martin – était très stricte et avait de grandes attentes en matière de maîtrise. Pendant mes leçons, elle suivait souvent la musique avec un crayon pendant que je jouais. Parfois, si j’avais joué une mauvaise note ou si j’utilisais le mauvais doigté, Mme Martin me tapait sur les doigts avec son crayon. Elle voulait m’aider à reconnaître l’erreur afin que je puisse la corriger. Malheureusement, après plusieurs expériences avec le redoutable crayon, j’ai appris que la façon la moins douloureuse de réagir lorsque je faisais une erreur musicale était de retirer mes mains du clavier le plus rapidement possible.
Cette habitude de s’arrêter brusquement après une erreur a également été renforcée involontairement lorsque je répétais à la maison. Notre piano était contre un mur qui se trouvait en face de notre cuisine ; en fait, notre cuisinière se trouvait juste de l’autre côté du mur. Je répétais souvent pendant que ma mère préparait le dîner de l’autre côté du mur. Quand je faisais une erreur, elle émettait un « ah » saccadé. Surprise, mes mains sursautaient.
Je sais que ce n’était pas le résultat attendu parce que je l’ai entendue faire la même chose lorsqu’elle faisait elle-même des erreurs à l’orgue ou au piano. Elle le fait encore aujourd’hui, mais seulement lorsqu’elle répète. Elle fait peu d’erreurs quand elle joue de l’orgue ou du piano, mais lorsqu’elle en fait, elles sont à peine perceptibles. Elle peut continuer à jouer en dépit d’une erreur comme si de rien n’était. Moi, par contre, je ne peux pas.
La plupart de mes récitals de piano avec Mme Martin avaient lieu dans la chapelle de ma paroisse. C’étaient des occasions où il y avait beaucoup de révérence – pas d’applaudissements après chaque pièce, juste des sourires polis de la part du public alors que nous passions chacun à notre tour au piano à queue. Nous n’avions pas le droit d’utiliser nos partitions, alors pour moi, monter ces trois marches en velours rouge jusqu’au piano me donnait l’impression d’arriver sans arme sur le champ de bataille. J’étais terrifiée à l’idée de faire une erreur, que mes mains quittent le clavier, ne sachant plus où les placer.
Ce trac allait me suivre jusqu’à l’âge adulte. Alors que j’étais encore au début de ma carrière d’expert-comptable et que j’avais deux jeunes enfants à la maison, on m’a appelée comme pianiste de la Société de Secours.
La première semaine a été un désastre. J’ai eu du mal avec quelques préludes du Chants pour les enfants (choisis pour leur simplicité). J’ai respiré profondément pour me calmer pendant les annonces. Ensuite est venue l’heure de vérité. J’ai commencé à jouer les premiers accords du cantique d’ouverture, mais avant la fin de l’introduction, j’ai joué une mauvaise note et, sans surprise, mes mains se sont immédiatement retirées du clavier. Paniquée pendant une mesure ou deux, j’ai désespérément essayé de retrouver le rythme. Comme d’habitude, la directrice de musique a continué à diriger les couplets. Plus les sœurs chantaient, plus je jouais mal, jusqu’à ce que j’en sois réduite à ne jouer que la mélodie pour le dernier couplet.
Cet épisode s’est reproduit chaque semaine jusqu’à ce que, finalement, une sœur de la présidence me demande si je voudrais une clé de l’église pour que je puisse répéter. J’ai poliment refusé, expliquant que j’avais un piano à la maison. J’ai été relevée dans le mois.
Aujourd’hui encore, même lorsque je suis seule à la maison et que je répète dans une solitude totale, je ne peux pas jouer « Ah, douce est l’heure de prier » (Cantiques, n° 77) – le plus simple des cantiques – sans m’arrêter, à moins que je n’aie la chance improbable de le terminer sans faire d’erreurs. C’est pour cette raison que j’essaie de ne pas attirer l’attention sur ma formation de pianiste (ce n’est plus un secret maintenant, je suppose). Je suis tellement paralysée par mes erreurs que je me sens pratiquement inutile au piano.
Ce serait facile de dire que cette paralysie n’est pas de ma faute et que la méthode d’enseignement en est la source. Mais je ne peux pas rendre Mme Martin ni ma mère responsable de ce problème. Ma sœur, Terry, a eu la même professeur de piano avec le même crayon, les mêmes réactions de la part de notre mère, et les mêmes conditions lors des récitals. Pourtant, elle a pu accompagner de nombreux artistes, jouer pour des fêtes d’entreprise, jouer du piano et de l’orgue à l’église et bénir la vie d’autres personnes grâce à sa formation musicale et à son talent.
Lorsque vous vous laissez paralyser par vos erreurs, vous diminuez votre capacité à être utile dans le royaume de Dieu. Faire des erreurs est une des composantes de la condition mortelle et peut être l’un de vos outils d’apprentissage les plus productifs. Vous devez reconnaître vos erreurs mais, bien davantage, vous devez trouver un moyen de persévérer malgré elles.
J’ai commencé à jouer du ukulélé il y a plusieurs années lorsqu’on m’a appelée en tant que directrice du camp des Jeunes Filles. J’ai appris toute une série de chants de camp en quelques semaines seulement, grâce à ma formation de pianiste. J’aime toujours jouer du ukulélé pendant que ma famille chante. Je l’utilise parfois pour composer de petites chansons éducatives sur la comptabilité, pour le plus grand plaisir de mes étudiants. Je fais encore des erreurs avec mon ukulélé, mais cela ne m’empêche pas d’aller de l’avant.
Les histoires que j’ai choisies de vous raconter aujourd’hui ne sont pas faciles à partager. Ce ne sont pas les moments de ma vie dont je suis la plus fière. D’habitude je préfère me montrer confiante et professionnelle en public. Cependant, j’en suis venue à apprécier la valeur de la faiblesse et la force qui découle du fait de la reconnaître. J’espère qu’en partageant quelques-uns de mes échecs, vous trouverez un sens aux vôtres.
Il y a trois ans, quelques professeurs de notre département ont décidé de suivre un cours de moniteur de ski. L’idée était de passer les vendredis après-midi à apprendre comment enseigner un sujet éloigné de notre domaine d’expertise tout en profitant d’un moment de détente ensemble et en renforçant nos amitiés. Quelques-uns d’entre nous, moi y compris, ont invité leurs conjoints à se joindre à l’aventure.
Nous nous sommes retrouvés pour la première fois dans une salle de classe et nous nous sommes présentés à nos nouveaux camarades. Chacun s’est présenté en commentant ses compétences en ski. J’ai réalisé avec une inquiétude grandissante que j’étais probablement la moins bien préparée aux attentes de ce cours.
La semaine suivante, nous nous sommes retrouvés à Sundance [une station de ski près de BYU]. Nous avons passé un certain temps sur le terrain plat près du remonte-pente pour apprendre comment aider un débutant avec son équipement. Nous avons aussi appris à enseigner à quelqu’un comment utiliser ses skis ainsi que le remonte-pente. Nous avons joué à quelques jeux simples ensemble, et je me souviens m’être sentie un peu plus confiante quant à ma place dans le groupe. Tout se passait relativement bien pour moi dans la classe, jusqu’au moment où nous avons pris le remonte-pente Arrowhead jusqu’au sommet de la station.
Avant de s’installer sur le remonte-pente, on nous a demandé de sortir par la droite en haut, de skier jusqu’au début de la piste Bear Claw, puis de regarder en bas à gauche, où nous verrions les instructeurs rassembler la classe. Nous étions ensuite censés rejoindre le groupe, après quoi nous serions séparés par niveau avant de descendre la montagne. J’ai atteint le sommet de Bear Claw sans trop de difficultés, mais quand j’ai regardé pour voir mes camarades de classe skier jusqu’au point de rendez-vous, je me suis figée. Pour suivre mes camarades, je devais skier selon un angle qui me semblait impossible. Je n’avais jamais skié sur une telle piste, et j’ai immédiatement commencé à chercher d’autres options.
J’ai décidé qu’au lieu de skier directement vers le bas de la montagne, je descendrais la piste en zigzag, ce qui me permettrait de faire une descente moins sévère jusqu’à l’endroit souhaité. J’ai pris une grande inspiration et j’ai skié vers la droite en direction des arbres, puis j’ai effectué un virage aussi serré que possible pour rejoindre ma classe. Malheureusement, mes calculs étaient erronés, ou peut-être que ma technique du chasse-neige était inefficace, et je pouvais voir que je serais bien en dessous du reste de la classe à la fin de mon retour épique à travers la montagne. Troublée par cette prise de conscience, je suis tombée.
Mark, l’un des instructeurs du cours, s’est précipité vers moi et a essayé de me donner quelques conseils. Après quelques moments sûrement frustrants à ses yeux, il a crié au groupe qu’il resterait avec moi et que les autres devraient aller de l’avant. La classe avait été divisée en trois groupes : les skieurs avancés (dont mon mari, Spencer), les skieurs intermédiaires et moi-même. J’étais humiliée.
Mark est resté avec moi et a fait de son mieux pour m’aider à descendre la montagne. Comme je n’avais pas d’autres options, j’ai fait de mon mieux pour écouter ses conseils et imiter ses mouvements. Une grande partie de cette journée reste floue pour moi. Mon attention fluctuait constamment entre les instructions patientes de Mark et mes pensées sur la futilité de toute cette entreprise.
J’ai quitté Sundance ce vendredi-là sans savoir si je reviendrais dans cette classe. Je m’inquiétais même de ce qui allait se passer lorsque je devrais faire face à mes collègues le lundi matin. Je m’attendais à ce qu’on me taquine et qu’on s’amuse un peu à mes dépens. Au lieu de cela, tout le monde a simplement parlé du plaisir de faire quelque chose de différent ensemble. À ma grande surprise, personne ne s’est concentré sur mon incapacité ; ils ont plutôt parlé de leurs progrès et de leur désir de continuer à apprendre. Leur enthousiasme était contagieux et j’ai décidé que je terminerais le cours.
J’ai beaucoup skié seule au début, et c’était dur. Je ne suis pas devenue une skieuse incroyable du jour au lendemain, ni jamais. J’ai rejoint le groupe intermédiaire pour quelques descentes vers la fin des cours mais j’étais toujours la dernière à descendre la montagne. Pourtant, même moi je pouvais voir que je m’étais améliorée.
Cette expérience m’a donné une profonde reconnaissance pour le fait d’essayer. Tout ce que l’on peut vous demander, c’est de vous présenter et de commencer là où vous êtes. Quel que soit votre niveau d’expérience, vos échecs ou votre perception de votre potentiel, où que vous soyez dans la vie, il vous suffit de vous présenter et d’essayer. Essayez d’écouter les instructions patientes du Sauveur, essayez d’imiter ses actions, essayez d’ignorer le discours intérieur négatif lorsque vos actions ne sont pas à la hauteur et essayez de vous concentrer sur la joie dans l’apprentissage plutôt que sur la défaite dans l’échec. Alors que vous essayez, reconnaissez que les autres autour de vous sont aussi en train d’essayer. Célébrez-les pour leurs progrès, même s’ils semblent être en avance sur vous, et soyez indulgent lorsqu’ils ne sont pas à la hauteur.
Dans ma propre classe, j’ai constaté que l’échec est l’un des meilleurs moyens de produire un apprentissage intellectuel durable. Permettez-moi de partager un extrait du livre Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives :
Les tentatives infructueuses de résolution d’un problème mènent au traitement en profondeur de la réponse lorsqu’elle est fournie ultérieurement. Ce processus crée un terrain fertile pour son encodage, d’une manière que la simple lecture de [ou le fait d’être donné] la réponse ne peut pas. [Peter C. Brown, Henry L. Roediger III et Mark A. McDaniel (Cambridge, Massachusetts : Belknap Press of Harvard University Press, 2014), 88]
J’attends avec impatience ces moments infructueux avec mes étudiants, même si je sais qu’ils souffrent. C’est très satisfaisant en tant que professeur d’assister à la transition de la tentative ratée à la prise de conscience et à la compréhension.
L’échec est également utile dans le développement physique. L’un des moyens les plus efficaces de développer votre force est de travailler stratégiquement un muscle jusqu’à l’échec – le point où vous ne pouvez plus soulever, pousser ou tirer ce que vous soulevez, poussez ou tirez – puis laisser le temps nécessaire aux fibres musculaires de se réparer. Ce processus d’échec et de réparation finit par rendre les muscles plus forts et plus efficaces.
Pour améliorer ma santé et ma forme physique générale, j’ai récemment commencé à travailler avec un entraîneur. Mon entraîneur, Josh, est très attaché à cette idée d’échec. Il choisit des mouvements et des poids qui m’amèneront au point d’échec juste à la fin d’une série, et d’une manière ou d’une autre, il sait quand intervenir pour m’aider à terminer. Cela m’irritait de le voir sourire et rire tout en m’aidant à faire les dernières répétitions ratées, mais je me rends compte maintenant qu’il voyait des progrès là où je voyais des échecs. Il attend ces moments avec impatience, comme je le fais avec mes étudiants, parce qu’il a l’opportunité de jouer un rôle dans mon développement personnel.
Si l’échec est important pour notre amélioration intellectuelle et physique, peut-être l’est-il aussi dans notre quête de la perfection. Se pourrait-il que nos moments d’extrémité soient nécessaires à notre progrès spirituel et que notre Sauveur sache que ce n’est qu’à ce moment-là que nous sommes prêts à apprendre ? Malheureusement, il peut être difficile d’accepter de l’aide lorsque nous en avons le plus besoin.
En mars 2008, deux de mes anciens étudiants, Mike et Taylor, ont invité ma famille à aller faire de la spéléologie dans Spanish Moss Cave. Nous étions tous enthousiastes à l’idée d’accepter l’invitation, même si nous n’étions pas des alpinistes expérimentés. Le jour dit, Mike nous a emmenés tôt le matin dans une salle d’escalade pour qu’on s’entraîne, après quoi nous avons parcouru huit kilomètres dans Rock Canyon jusqu’à l’entrée de la grotte.
À leur arrivée, Mike et Taylor ont pris quelques minutes pour déverrouiller la porte métallique et arranger les cordes que nous utiliserions pour descendre en rappel dans la grotte. Taylor est entré le premier, puis mon tour est venu.
La descente initiale se fait sur cinq à six mètres dans une fissure dans les rochers en forme de spirale avant de s’ouvrir finalement sur le dôme de la grotte. Une fois la fissure franchie, nous avons fait une descente en rappel de quinze mètres jusqu’à un sol en pente qui s’enfonçait dans le ventre de la grotte.
Nous avons passé quelques heures à explorer, à nous émerveiller devant les formations étranges tout le long du chemin. Alors que nous nous progressions sur le sentier vaguement balisé, notre seule source de lumière, à part le flash occasionnel de l’appareil photo de mon mari, était la lumière produite par nos lampes frontales. Je ne pouvais voir qu’une petite zone circulaire juste devant moi qui s’estompait rapidement dans le noir. Limitée par l’obscurité et le terrain inconnu, la progression était lente.
Au fond de la grotte, juste avant que nous ne fassions demi-tour, Taylor a pris une photo de ma famille : ma fille Shamae, Spencer et mon fils Riley. J’aime évoquer cette partie du voyage parce que je me souviens avoir ressenti l’énergie et l’enthousiasme d’une grande aventure avec ma famille. Elle capture le summum de mon expérience. Je me sentais triomphante, comme si j’avais accompli quelque chose de différent, quelque chose d’unique et de particulier. Néanmoins je n’allais pas emporter ce même sentiment avec moi en sortant de la grotte.
Le retour a été plus difficile que la descente, en grande partie à cause du manque de lumière. En regardant les photos que nous avons prises, je me demande pourquoi j’essayais de grimper sur les rochers alors qu’il semblait y avoir un chemin dégagé à quelques mètres sur le côté. Je peux voir ces sentiers aujourd’hui grâce aux photos prises avec le flash, mais à l’époque, je n’étais pas en mesure de les voir clairement.
Nous sommes remontés jusqu’au dôme, mais le véritable défi restait à relever : nous devions encore remonter par la corde qui pendait du plafond et disparaissait dans la sortie rocheuse sinueuse située au-dessus. Et cette fois, nous grimperions avec l’aide de poignées d’ascension au lieu de descendre sans effort.
Mike est monté le premier et s’est assuré avec une deuxième corde, prêt à nous aider. Quand mon tour est arrivé, Taylor a stabilisé le bas de la corde et Mike s’est positionné dans la spirale pour me guider tout au long de la remontée. J’avais appris à utiliser les poignées d’ascension le matin même, et bien que cela me parût simple dans la salle d’escalade, j’avais du mal à coordonner mes bras et mes jambes.
J’ai réussi à remonter environ la moitié de la corde avant de devoir m’arrêter, m’affalant dans le harnais d’escalade pour reposer mes jambes, mais la peur ne me laissait pas reposer mes bras. Je m’accrochais fermement aux poignées d’ascension, refusant de lâcher prise et incapable de me détendre. J’ai passé plusieurs minutes à me balancer à six mètres du sol, rassemblant la force nécessaire pour continuer à grimper.
Je me suis ressaisie et j’ai continué à remonter le reste visible de la corde jusqu’à ce que la poignée d’ascension s’arrête. J’avais atteint le rocher sommital et je devais lâcher les poignées d’ascension. C’était la seule façon de trouver des prises et de continuer à grimper.
La peur s’est de nouveau emparée de moi, et je n’ai eu ni la force ni le courage de lâcher prise. Tous les muscles de mon corps tremblaient et j’ai commencé à imaginer la vie dans une grotte. Dans cet état de panique, j’ai entendu la voix de Mike au-dessus de moi. Il me disait de me détendre et de rester calme, me donnant des instructions sur la façon d’atteindre la prochaine prise.
J’ai pointé ma lampe frontale vers le haut pour éclairer mon chemin, mais je ne voyais pas de bonnes prises à saisir, alors j’ai dit à Mike : « Je ne peux pas faire ça. »
J’ai de nouveau levé les yeux dans l’espoir de le voir, mais à cause de l’arrondi du rocher, je ne pouvais qu’entendre sa voix. Il a essayé de me donner des instructions, mais il n’y avait aucun moyen que je lâche ces poignées d’ascension. Le rocher ne m’inspirait pas confiance, je n’avais pas confiance en moi-même, et je n’avais pas confiance en ma capacité à abandonner la sécurité perçue de l’équipement auquel je m’accrochais. Je me souviens avoir entendu du mouvement au-dessus de moi, puis plus rien. Ensuite Mike m’a dit de lui prendre la main.
Cette fois, en levant les yeux, j’ai pu voir l’avant-bras de Mike et sa main grande ouverte. J’ai éclaté de rire. « Tu vas juste me remonter d’une seule main ? » ai-je demandé.
« Bien sûr ! » a-t-il dit avec assurance. Nous avons discuté des mérites relatifs de cette idée pendant un certain temps. J’ai dit à Mike qu’il était impossible pour lui de me remonter sans aucun levier alors qu’il était harnaché à une corde et à l’étroit dans une crevasse ; Mike a insisté sur le fait qu’il pouvait le faire. Étant donné que je vous raconte cette histoire depuis le Marriott Center et non depuis l’intérieur de Spanish Moss Cave, vous pouvez deviner qui a gagné ce débat.
En levant de nouveau les yeux, j’ai soudainement réalisé que je ne voulais vraiment pas rester dans la grotte pour toujours. Je voulais rentrer chez moi. Cette prise de conscience m’a donné le courage de faire confiance à Mike et de lui tendre la main. À un moment, j’étais suspendue au dôme et l’instant d’après, j’étais coincée dans la crevasse, toujours accrochée à une poignée d’ascension avec ma main libre. Je pouvais enfin détendre mes bras.
La voix ferme et confiante de Mike m’a fait avancer vers la sortie sinueuse : « Déplace une main vers le haut. Tends ton pied plus loin vers la gauche. Change de main dans cette prise. Sers-toi de tes jambes. Étire-toi un peu plus loin. »
Mike a continué à m’orienter dans la bonne direction jusqu’à ce que nous soyons face à un dernier défi. J’étais trop petite pour atteindre la prise suivante et trop timide pour m’élancer. Mike a suggéré d’essayer de me dépasser dans la crevasse, de se mettre en dessous de moi, puis de me hisser jusqu’à la prise. Je n’étais pas sûre que la manœuvre fonctionnerait, mais à ce moment-là, j’étais assez humble pour écouter ses conseils. Mike a réussi à me contourner et à s’appuyer contre la paroi juste en dessous de moi. Quand il m’a dit d’utiliser son dos comme marchepied pour atteindre la prise suivante, je me suis imaginée debout sur son dos, ses mains glissant contre le rocher sous mon poids et son corps tombant à travers le trou dans le plafond de la grotte. Nous nous sommes de nouveau disputés à propos des mérites de son idée folle – je suis têtue – mais j’ai finalement cédé et j’ai marché sur le dos de Mike, qui a tenu bon pour que je puisse atteindre la prise dont j’avais besoin. À partir de là, la montée vers l’air libre était relativement facile, et je me suis vite retrouvée seule avec mes pensées pendant que Mike retournait aider les autres.
Assise au sommet de cette colline surplombant la vallée, je ne pouvais réprimer un sentiment tenace de défaite qui contrastait fortement avec mon moment de fierté au fond de la grotte. J’ai repassé dans ma tête tout ce qui venait de se passer. Mike m’avait-il vraiment tiré du haut d’une chute de quinze mètres ? Est-ce que je lui ai vraiment marché dessus ? Avais-je besoin d’autant d’aide ? Oui, oui et oui.
Nous avons tous besoin d’aide. Vous auriez peut-être mieux réussi que moi dans Spanish Moss Cave, mais nous serons tous, à un moment ou à un autre, dans une situation où notre force, nos connaissances, nos compétences ou peut-être même notre désir ne suffiront pas. C’est dans ces moments-là que votre Sauveur vous tire hors des ténèbres, si vous voulez bien lâcher prise et prendre sa main. C’est dans ces moments-là que sa voix vous guide vers la sécurité, si vous l’écoutez attentivement. Et c’est pour ces moments-là qu’il est descendu au-dessous de toutes choses, pour devenir votre pierre de gué.
J’aime ces paroles de Jeffrey R. Holland :
Quand [le Sauveur] dit […] : « venez à moi », il veut dire qu’il sait quel chemin emprunter pour nous en sortir et nous améliorer. Il le connaît parce qu’il l’a parcouru. Il le connaît parce qu’il est le chemin. [« Les choses cassées à réparer », Le Liahona, mai 2006 ; en gras dans l’original]
J’ai récemment demandé à Mike s’il avait eu peur à un moment ou à un autre que je ne puisse sortir de la grotte ce jour-là. Sans même réfléchir, il a répondu : « Non, il y avait toujours un plan. Je transportais toutes sortes d’équipements que vous n’avez pas vus. Il y a toujours un moyen. Parfois, c’est moi à cinq pour cent et l’autre personne à quatre-vingt-quinze pour cent ; parfois, c’est moi à quatre-vingt-dix-neuf pour cent et l’autre personne à un pour cent. Mais je sais que je peux travailler avec tout ce que la personne a à donner. »
Notre Sauveur est pareil. Il peut travailler avec tout ce que vous avez à donner si vous êtes disposé à accepter son aide.
Brian K. Ashton, de la présidence générale de l’École du Dimanche, nous a rappelé que « le repentir n’est pas une solution de secours pour le cas où notre plan de vie parfaite échoue ». Il a ajouté : « [Le repentir] ne sert pas seulement pour les péchés graves mais c’est un processus quotidien d’auto-évaluation et d’amélioration qui nous aide à surmonter nos péchés, nos imperfections, nos faiblesses et nos défauts » (« La doctrine du Christ », Le Liahona, novembre 2016).
Le plan n’est pas de vivre parfaitement. Le repentir, c’est le plan. Jésus-Christ est le plan. Je pense que nous assimilons à tort la perfection au fait de vivre une vie parfaite, au fait de ne jamais échouer ou de toujours être à la hauteur, mais Jésus-Christ est le seul qui n’a jamais échoué et n’échouera jamais. Pour nous, la perfection doit donc être autre chose.
John S. Robertson a expliqué dans une réunion spirituelle de BYU que notre compréhension du mot parfait a changé au cours des quatre cents dernières années : alors qu’aujourd’hui nous utilisons parfait pour signifier « sans défaut », sa racine latine signifiait quelque chose de plus proche de « achevé ». De plus, le mot hébreu qui a été traduit par « parfait » dans la Bible aurait pu être traduit plus précisément par « complet » (voir « A Complete Look at Perfect », discours de réunion spirituelle de BYU, 13 juillet 1999). Pour nous, la perfection ne consiste pas à être irréprochable ; il s’agit d’être complet.
Les artistes qui pratiquent l’art japonais du kintsugi réparent les poteries cassées en remplissant les fissures avec une laque faite d’or, d’argent ou de platine, redonnant ainsi à la pièce endommagée sa beauté et son intégrité. Le kintsugi enseigne que les cicatrices ne sont pas quelque chose à cacher ; au contraire, elles doivent être célébrées pour leur beauté unique. Les cicatrices elles-mêmes sont considérées comme précieuses et sont donc réparées avec des métaux précieux pour honorer leur valeur. La pièce finie est encore plus belle que l’original intact.
De même, nous honorons les cicatrices de notre Sauveur, car il nous a gravés sur ses mains (voir Ésaïe 49:16). Il n’a pas honte de ses cicatrices. Au contraire, il nous a donné cette invitation :
Levez-vous et venez à moi, afin de mettre la main dans mon côté, et aussi afin de toucher la marque des clous dans mes mains et dans mes pieds, afin que vous sachiez que je suis […] le Dieu de toute la terre, et que j’ai été mis à mort pour les péchés du monde. [3 Néphi 11:14]
Lorsque nous remettons nos morceaux brisés au Sauveur, il comble nos lacunes par sa perfection, et nous sommes rendus complets ; le grand Créateur nous rend complets grâce au pouvoir réparateur de « l’auteur et le consommateur de notre foi » (Hébreux 12:2). Nous apprenons à connaître le Sauveur non seulement en reconnaissant et en respectant ses cicatrices, mais aussi en reconnaissant et en respectant les nôtres. Nous sommes liés au Sauveur par nos cicatrices mutuelles, « et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris » (Ésaïe 53:5 ; voir aussi le verset 4).
Je me fais l’écho des paroles de frère Holland :
[Lorsque] vous êtes seul, sachez que vous pouvez trouver le réconfort. [Lorsque] vous êtes découragé, sachez que vous pouvez trouver l’espoir. [Lorsque] vous êtes pauvre en esprit, sachez que vous pouvez être fortifié. [Lorsque] vous êtes brisé, sachez que vous pouvez être guéri. [« Les choses cassées à réparer »]
Jésus-Christ, le Sauveur du monde, désire réparer vos morceaux brisés, remplir vos espaces vides et faire de vous un vase plus beau et complet.
Puissiez-vous tous trouver la force d’échouer et, entre les mains de votre Sauveur, le pouvoir de persévérer. Au nom de Jésus-Christ. Amen.
© Brigham Young University. Tous droits réservés.
Cassy Budd, professeur à l’École de comptabilité de BYU, a prononcé ce discours de réunion spirituelle le 14 février 2017.