Conçus pour des relations d’alliance
Professeur agrégé d’histoire et de doctrine de l’Église à BYU
8 novembre 2022
Professeur agrégé d’histoire et de doctrine de l’Église à BYU
8 novembre 2022
C’est l’amour auquel Dieu nous appelle tous. Nous sommes des êtres profondément relationnels, conçus pour aimer et entrer en relation avec Dieu et les uns avec les autres.
Nous sommes toujours prêts à améliorer nos traductions. Si vous avez des suggestions, écrivez-nous à speeches.fra@byu.edu.
Mes frères et sœurs, c’est avec beaucoup d’humilité que je suis ici. Je sais que je me trouve en lieu saint pendant cette heure spéciale qui a été réservée aux réunions spirituelles tout au long de l’histoire de cette université. Les messages prononcés depuis cet endroit par des dirigeants, des professeurs et des collègues bien-aimés ont façonné ma vie. Aujourd’hui encore, je me souviens exactement de l’endroit où j’étais assise pendant certains de ces discours importants, lorsque j’ai commencé à assister à des réunions spirituelles il y a trente ans. Je prie pour que ce don sacré d’illumination par l’intermédiaire de son Esprit continue de nous accompagner aujourd’hui.
L’étude de la famille m’a donné l’occasion d’examiner les relations les plus profondes, les plus dépendantes, les plus vulnérables et les plus importantes de notre vie. Cela m’a amenée à une vérité puissante. Bien que notre culture nous dise le contraire, nous ne sommes pas conçus pour être autonomes, à la recherche du plaisir et de la réalisation de soi. Nous sommes des êtres profondément relationnels, conçus non pas pour l’indépendance, mais pour la dépendance et la connexion radicales. Le mariage et la vie de famille offrent un environnement idéal pour faire l’expérience de cette vérité. Mais ils ne sont pas seulement le moyen d’atteindre une fin. L’amour familial et l’appartenance sont la fin.
Lorsque j’ai commencé à étudier, j’ai été émerveillée par le rôle fondamental du mariage qui lie l’homme et la femme, les pouvoirs de procréation et la vulnérabilité de la nouvelle vie. J’en suis venue à comprendre ce que W. Bradford Wilcox, professeur à l’université de Virginie, voulait dire quand il a conclu, à propos du mariage, qu’« aucune autre institution ne relie de manière fiable deux parents, leur argent, leur talent et leur temps1 » pour créer un environnement sûr et stable, avec des personnes qui s’occupent des enfants, dont ceux-ci dépendent. J’ai observé les bienfaits d’un mariage sain pour les hommes et les femmes, en augmentant leur bonheur, leur santé mentale et physique, leur sentiment de stabilité et leur investissement dans l’avenir2.
J’ai également été témoin de l’influence importante des enfants, reflétant la conclusion de Carle C. Zimmerman, sociologue à Harvard, selon laquelle c’est l’orientation d’une société vers l’éducation des enfants qui définit « l’apogée de la créativité et du progrès [de cette civilisation]3. » C’est le collègue de Carle Zimmerman, Pitirim A. Sorokin, qui a conclu que « la culture de l’amour mutuel et la tâche d’éduquer leurs enfants stimulent les personnes mariées à libérer et à développer leurs meilleures impulsions créatives4 ». Cette conclusion donne un aperçu de l’étude révolutionnaire de Kathryn J. Edin sur la vie des femmes pauvres du centre-ville de Philadelphie, où, dans un monde de pauvreté, d’abus, de consommation de drogues, d’incarcération et de traumatismes relationnels et où le mariage était hors de portée, les mères célibataires se sont senties sauvées par leurs bébés, qui leur ont apporté la stabilité, une place dans le monde, et un but pour lequel donner leur vie5. » Plus tard dans sa carrière, Mme Edin a découvert que les enfants avaient la même influence sur les pères célibataires6.
J’ai été émerveillée d’apprendre comment les mères et les pères se complètent pour façonner le développement des enfants. Une mère est prédisposée à établir un lien par lequel la communication émotionnelle, qui est essentielle au développement de l’enfant, peut se produire. Son bébé est également prédisposé à créer des liens avec elle, connaissant déjà son odeur, sa voix et son visage. Cette relation remarquable semble façonner les fondements de l’identité, du sentiment de bien-être et de la compréhension émotionnelle.
De manière complémentaire, la relation d’un père avec un enfant semble façonner la capacité relationnelle, la réussite, la compréhension des limites et la gestion des émotions. La proximité d’un père offre à sa fille une expérience profonde de ce que signifie l’amour masculin protecteur, renforçant ainsi sa capacité à prendre de sages décisions sexuelles. Sa proximité avec son fils offre une expérience de la masculinité qui est protectrice et nourricière, et non motivée par l’agressivité, la force physique ou les penchants sexuels7.
J’ai éprouvé de la douleur en apprenant ce qui arrive lorsque des hommes et des femmes, des unions sexuelles et des enfants sont séparés. La vérité n’est peut-être pas exprimée de manière plus poignante que dans les paroles de Jeffrey R. Holland, prononcées ici même :
[L’union sexuelle d’] un homme et d’une femme est, ou a été ordonné à être, le symbole de l’union totale : l’union de leurs cœurs, de leurs espoirs, de leurs vies, de leur amour, de leur famille, de leur avenir, de tout ce qu’ils ont8.
Nous avons vu les effets psychologiques perturbateurs de l’attachement sexuel, du partage d’une partie sans le tout, puis de la rupture de ce qui était censé être une obligation totale. Nous sommes témoins de la douleur causée par des relations sexuelles non relationnelles lorsque d’autres personnes deviennent des objets de satisfaction sexuelle. Nous voyons ce que cela a fait à la sexualisation des femmes9 et à l’alanguissement des hommes10. Et nous voyons ce que cette fragmentation a signifié pour les enfants.
L’union sexuelle est conçue pour créer et symboliser une union suffisamment forte pour que le cœur d’un enfant puisse s’appuyer sur elle. La fragmentation du mariage a entraîné une augmentation spectaculaire du nombre d’enfants nés de parents non mariés. Bien que beaucoup de ces enfants grandissent sans problème grave11, des centaines d’études nous apprennent qu’en moyenne, les enfants nés de parents non mariés courent des risques accrus dans tous les domaines du développement12.
Choisir de mettre fin à une relation conjugale violente peut être une décision courageuse et bénéfique, car elle permet de sortir les enfants d’un environnement destructeur. Mais, en général, la division et éventuellement le divorce signifient aussi un risque accru, y compris une expérience de division intérieure et parfois même l’exil pour l’enfant13. Les enfants sont, après tout, l’incarnation de l’union de leurs parents. L’enfant aspire à retrouver l’intégrité originelle de son être, à l’union amoureuse de sa mère et de son père14.
Les parents de mon mari ont divorcé quand il avait six ans. Il peut encore décrire le moment où sa mère lui a demandé : « Michael, avec qui veux-tu vivre ? »
Son cœur de six ans n’a pas pu répondre. Il a grandi sans religion, mais il éprouvait de profonds sentiments pour Noël car ce jour-là, ses parents se réunissaient pour prendre le petit-déjeuner et ouvrir les cadeaux, et il se sentait à nouveau entier.
Le fait d’être témoin du potentiel de joie et de douleur dans ces relations fondamentales m’a confirmé que nous sommes des êtres profondément relationnels. Notre libre arbitre nous confère la responsabilité et le privilège de devenir des êtres capables d’expérimenter les formes de connexion les plus profondes. Nous ne sommes pas des individus conçus pour l’autonomie et la réalisation de soi. Pour employer le langage magnifique du premier et plus grand commandement, nous sommes tous « un composé de cœur, d’âme, de pensée et de force conçu pour aimer15 ».
Nous venons sur cette terre à la recherche des autres et dépendons d’eux, nous sommes programmés pour les reconnaître et leur répondre, « nous devenons plus vivants lorsque nous sommes dans des relations de dépendance et de confiance mutuelles16 ». La tâche principale de chaque nourrisson est de chercher un visage, le visage qui le regarde, sur lequel il fixe son regard. C’est en nous connectant à quelqu’un d’autre que nous commençons à savoir qui nous sommes. Ce même nourrisson s’occupera un jour de ses parents vieillissants alors que le cycle profond des soins et de la dépendance se poursuit. Car c’est en aimant et en étant aimé que « nous sommes le plus pleinement et le plus distinctement nous-mêmes17 ». C’est pour cela que nous sommes faits.
Vous avez probablement entendu parler de l’épidémie de solitude, de l’augmentation des problèmes de santé mentale18 et de la diminution de l’épanouissement chez les adolescents et les jeunes adultes19. L’individualisme, le workaholisme, la baisse du taux de mariage, la diminution de l’engagement communautaire, le déclin de la religiosité et les médias sociaux semblent tous avoir joué un rôle, la solitude la plus profonde provenant de la perturbation et du désordre dans la vie familiale20. Une culture axée sur l’individualisme radical nous a laissés affamés.
Comme l’a écrit Terry A. Veling en décrivant la profonde perspicacité d’Emmanuel Levinas : « Je ne suis pas un individu solitaire, mais un individu face à autrui21. » La présence d’autrui suscite ma réponse, faisant de moi un être réceptif, m’appelant à assister, à écouter, à servir. En fait, l’idéal individualiste, autonome et expressif qui façonne notre culture nous a rendus aveugles au fait que le but final du libre arbitre n’est pas le pouvoir de choisir. C’est la liberté, le genre de liberté décrit avec force par Dietrich Bonhoeffer : la liberté d’être « pour autrui22 », comme notre Rédempteur l’a été si majestueusement pour nous.
Le foyer est le lieu central où se manifestent cette responsabilité et cette liberté, où l’amour, le dévouement et le sacrifice créent des liens grâce auxquels nous pouvons être le plus vus, connus et aimés. Lorsque le chirurgien général des États-Unis, Vivek H. Murthy, a déclaré une épidémie de solitude, il l’a décrite comme un sentiment de « sans-abrisme23 ». Comme il l’a dit lui-même : « Être chez soi, c’est être connu24. » Notre épanouissement culturel dépend du développement et de l’expérience de cette capacité relationnelle et morale. C’est la raison pour laquelle la famille est si importante.
Mais même si nous y aspirons ardemment, ce n’est pas un processus facile. Cela signifie l’intimité, avec son cortège de peur de s’exposer, d’être vu et connu dans tout ce que nous sommes et tout ce que nous ne sommes pas. Cela implique une responsabilité et une confiance profonde afin que les autres soient en sécurité sous notre garde.
Dans notre égoïsme et notre peur d’être exposés, nous avons du mal à faire l’expérience de la connexion profonde à laquelle nous aspirons. Comme le décrit Andy Crouch :
Assez rapidement, même dans des foyers relativement sains, nous […] commençons à connaître des épisodes de colère, de rejet et de honte de la part des autres. Et nous découvrons aussi que ce n’est pas seulement l’autre qui peut être absent ou en colère ; nous aussi, nous désirons nous échapper et nous cacher. Nous apprenons, étonnamment tôt, comment rompre une relation25.
Je ne suis devenue mère qu’à l’âge de trente-cinq ans, après avoir étudié la maternité pendant une dizaine d’années. Je désirais ardemment avoir un bébé et faire l’expérience de l’amour puissant que procure le fait de nourrir une autre âme. J’ai vite découvert à quel point mon amour pouvait être inadéquat et parfois faux. J’ai découvert que je pouvais utiliser nos enfants pour me valider, en voulant qu’ils soient et fassent certaines choses afin que je puisse me sentir en sécurité et validée en quittant ma carrière pour les élever. Comme un puissant miroir, ils ont exposé mes nombreuses faiblesses. Le fait d’avoir un doctorat en sciences familiales rendait mes faiblesses encore plus pathétiques. Parfois, je me demandais si les autres enfants que nous attendions avec impatience s’étaient enfuis après avoir été témoins de mes difficultés en tant que mère. Cela a été à la fois instructif et douloureux de voir en moi notre façon très humaine d’entrer en relation avec les autres — en recherchant la validation, l’égoïsme, l’auto-protection — et la façon dont cela m’a empêchée de voir réellement qui sont les autres, ce dont ils ont vraiment besoin, et ce que cela signifierait de faire ce qu’il y a de mieux pour eux, par pur amour.
Je me suis rendu compte que lorsque ma façon d’être en relation avec mon mari, mes enfants ou qui que ce soit d’autre consiste à les utiliser pour ma propre approbation, à me cacher, à me séparer, à me comparer ou à rivaliser, à me positionner comme meilleure ou pire, je suis prise au piège, incapable d’être vraiment libre de voir, de savoir, d’aimer, ou d’être pour l’autre.
Frères et sœurs, je me réjouis que toute l’œuvre du plan du salut, dont le point culminant est le grand sacrifice expiatoire du Seigneur Jésus-Christ, soit de nous permettre de devenir des êtres d’amour qui participent à la forme la plus profonde de connexion avec les autres. C’est ce que le prophète Joseph Smith a vu dans la vision décrite dans Doctrine et Alliances 76. La sphère céleste est un lieu de profonde intimité où nous « [verrons] comme [nous sommes] vus, et [connaîtrons] comme [nous sommes] connus, ayant reçu de sa plénitude et de sa grâce26 ».
Cela nous enseigne que tous les commandements et toutes les vérités révélées par les prophètes de Dieu, y compris les vérités précieuses de la déclaration sur la famille27, existent pour nous guider dans les voies de Dieu afin que nous devenions des êtres d’amour. Car, comme on l’a si joliment chanté ce matin : « Dieu est amour28. » La justice n’est jamais une fin en soi. C’est une façon d’être qui me permet de connaître et de voir en pureté et, ce faisant, d’aimer. Il ne s’agit pas d’une forme d’amour bon marché, d’une affirmation chaleureuse pour me faire me sentir bien et aider les autres à se sentir bien. C’est la qualité de l’amour pur, libre de tout dessein d’auto-protection ou d’auto-validation, offrant ce qui est vraiment nécessaire pour la bonne raison : aider les autres à devenir bons.
Mais comment devenons-nous des êtres d’un tel amour ? Faire l’expérience d’une telle pureté dans les relations signifie être profondément ancré dans qui nous sommes, en revendiquant la vérité sur notre nature relationnelle. C’est la vérité que le président Russell M. Nelson nous a offerte en mai dernier quand il a demandé : « Qui êtes-vous ? », puis il a répondu : « En tout premier lieu, vous êtes un enfant de Dieu. […] Vous êtes un enfant de l’alliance. […] Vous êtes un disciple de Jésus-Christ29. » Comme l’a fait remarquer mon collègue Joseph M. Spencer, ce ne sont pas des descriptions d’une identité autonome. Ce sont des relations qui définissent notre être. La nature divine de nos parents célestes fait partie de la composition de notre corps spirituel. Leur lien d’amour est au cœur de notre être. Père et mère, sœur et frère éternels ne sont pas simplement des titres. Ils sont une réalité matérielle.
Il y a deux mois, le président Kevin J. Worthen a témoigné de cette réalité : « Parce que nous sommes ses enfants, il nous aimera, même si nous choisissons de ne pas l’aimer30. » Puis, citant Paul, le président Worthen a dit : « Ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur31. »
Selon les mots puissants du théologien et prêtre catholique Henri J. M. Nouwen : « Être le Bien-Aimé exprime la vérité fondamentale de notre existence32 ». Ces paroles devraient « résonner dans tous les recoins de [notre] être [… car nous] ne pouvons faire ce don que dans la mesure où [nous] l’avons réclamé pour [nous-mêmes]33 ». Nouwen poursuit :
Le plus grand piège dans notre vie n’est pas le succès, la popularité ou le pouvoir, mais le rejet de soi. […]
[…] Le rejet de soi est le plus grand ennemi de la vie spirituelle parce qu’il contredit la voix sacrée qui nous appelle le « Bien-aimé34 ».
Tout péché est, d’une manière ou d’une autre, un rejet de cette relation avec Dieu. Il n’est donc pas étonnant que le péché soit douloureux. Llewellyn Vaughan-Lee, un enseignant du soufisme islamique, en fait une description éloquente : « Si nous suivons le chemin de n’importe quelle douleur, de n’importe quelle blessure psychologique, cela nous conduira à cette douleur primordiale : la douleur de la séparation35. » Les péchés commis contre nous, ainsi que les péchés que nous commettons, sont une séparation avec la vérité de notre être divin.
Adam S. Miller a dit :
Le péché est mon rejet de l’offre originelle de la part de Dieu de grâce et de partenariat. […] C’est moi qui essaie désespérément de rassembler, par tous les moyens nécessaires, qu’il s’agisse d’idolâtrie, de vanité, de vol, d’adultère, de violence ou de tromperie, un ensemble de bonnes choses qui correspondent davantage à ce que je voulais qu’à ce que Dieu m’a donné. C’est moi qui veux gagner plus qu’aimer. C’est moi qui choisis l’isolement creux des fantasmes plutôt que la difficulté partagée de la réalité de Dieu36.
Ou, comme mon ami Alan B. Hansen l’a décrit dans son travail de psychologue et de président d’un pieu d’étudiants, le péché est le résultat d’âmes blessées qui essaient de trouver leur propre façon de soulager la douleur sans Dieu. Mais c’est temporaire, et cela nous laisse vides, coupés de la vraie relation avec Dieu.
J’ai appris, par des expériences douloureuses et joyeuses, que lorsque l’amour de Dieu est le fondement de mon identité, je n’ai plus besoin de faire pression sur les autres, de les contraindre, de les juger ou de leur extorquer leur validation pour me sentir moi-même suffisante. Je n’ai plus besoin de me montrer digne de l’amour de Dieu, en jugeant continuellement ce que moi ou les autres méritent. Je suis libre d’apprendre comment offrir la bonté, comment offrir, par amour, ce qui est vraiment nécessaire.
C’est certainement la raison pour laquelle le président Worthen nous a adressé cette supplication au début de cette année scolaire :
Ne prenez pas part à ce qui serait sûrement la plus tragique de toutes les histoires d’amour non partagé en refusant de ressentir l’amour transformateur, celui qui change l’âme, que Dieu et le Christ vous offrent. […] S’il vous plaît, laissez-le vous aimer37.
L’expression la plus puissante de l’amour de Dieu est son offre d’être en relation d’alliance avec nous. Comme mon collègue Kerry M. Muhlestein, qui a passé sa vie à étudier l’alliance abrahamique, ne cesse de me le répéter, Dieu aspire à une relation profonde qui nous lie à lui38. Il est notre Faiseur de chemin qui ouvre toujours une voie vers la vie avec lui : il a séparé la mer Rouge, vaincu la mort et déchiré le voile afin d’être avec nous39. Il « traverse tout péché, toute tempête, toute histoire, toute mer […] tout au long du parcours pour nous, pour être avec nous40. » En devenant un avec nous, il nous ouvre la voie pour que nous devenions un avec lui. Il n’est donc pas étonnant que la promesse transcendante de notre première alliance soit que nous aurons toujours son Esprit avec nous.
S’il y a une chose que l’étude de la famille m’a apprise, c’est que le développement naît de relations solides. C’est vrai dès le début de notre expérience mortelle quand, en tant que nourrissons, notre première tâche est d’établir un lien émotionnel profond grâce auquel nous pouvons ressentir l’amour et la réactivité qui construisent notre cerveau droit, régulent nos émotions et établissent notre sentiment d’identité et d’appartenance.
De manière parallèle, mais infiniment plus profonde, les alliances avec le Seigneur Jésus-Christ nous offrent la relation par laquelle notre âme peut progresser, se connecter à lui et devenir des êtres capables de voir, de connaître et d’aimer comme lui, car nous en avons fait l’expérience en lui.
Comme le président Russell M. Nelson nous l’a enseigné le mois dernier :
[Grâce aux alliances,] nous créons […] une relation avec Dieu qui lui permet de nous bénir et de nous changer. […] Si nous laissons Dieu prévaloir dans notre vie, cette alliance nous rapprochera de plus en plus de lui. […]
[…] Les personnes qui respectent leurs alliances, aiment Dieu et le laissent prévaloir sur toutes les autres choses font de lui l’influence la plus puissante de leur vie41.
Notre culture basée sur les accomplissements et l’autonomie nous a peut-être enseigné que nous utilisons l’expiation de Jésus-Christ pour atteindre une « perfection personnelle et individuelle42 », c’est-à-dire que les personnes les plus justes utilisent le moins l’expiation de Jésus-Christ. Dans ce cadre, comme le fait remarquer Adam Miller, « un partenariat d’alliance avec le Christ ressemblera toujours à une béquille dont il faut se défaire pour atteindre la ‘vraie’ perfection43 ».
Mais notre relation d’alliance avec Jésus-Christ n’est pas un moyen pour atteindre une autre fin. C’est la fin. Voici le témoignage puissant de Tracy Y. Browning : « Chers amis, Jésus-Christ est à la fois l’objet de notre attention et la raison de notre destination. […] Le Sauveur nous invite à nous voir à travers ses yeux, afin de mieux le voir dans notre vie44. »
La relation d’alliance du Seigneur avec nous constitue la forme d’intimité la plus authentique. Nous expérimentons l’amour parfait avec un Être qui, nous le savons, voit tout ce dont nous sommes responsables, dans toute notre faiblesse et nos péchés, et nous le renvoie à la lumière de sa pureté, ce qui élargit notre libre arbitre et nous conduit vers une voie meilleure grâce à son amour rédempteur. C’est grâce à l’intimité de notre relation avec lui que nous apprenons le chemin de l’intimité, de l’amour pur pour les autres.
Mais dans notre orgueil, nous voulons faire confiance à notre comportement plutôt qu’à notre relation avec lui, croyant que nous pouvons d’une manière ou d’une autre nous sauver nous-mêmes. Nous sommes tentés de nous cacher de notre néant. Comme l’écrit de manière poignante K. William Kautz : « [Nous] feignons la perfection, mais toute l’entreprise n’est qu’une plaisanterie45. » La relation d’alliance que le Seigneur entretient avec nous implique une manière différente de vivre. « Cela exige la joie effrayante de mettre à nu notre âme tout entière, avec toutes ses insuffisances. […] Les masques tombent et les murs s’écroulent46. » Dans notre désir sincère de lui montrer tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons fait, toutes nos motivations, toutes nos attitudes et nos désirs, il nous couvre de tendresse et de miséricorde. Dans cette relation sacrée avec lui, nous trouvons la guérison et la liberté d’être, pour lui et pour tous les autres.
C’est pourquoi Alan Hansen dit aux membres de son pieu :
Notre Rédempteur nous dit : « Venez. Venez. Venez. Arrêtez de fuir votre néant. Apportez toutes vos faiblesses, vos erreurs, vos péchés et vos maladies de l’âme et permettez-moi de vous embrasser. Venez. »
Nous craignons que notre douleur et notre perte ne soient une marque d’« accusation » ; que le fait d’être célibataire, de n’avoir jamais été marié, d’être divorcé ou stérile, d’avoir des difficultés dans le mariage, d’avoir subi des abus, d’être aux prises avec des questions de genre ou de sexualité, ou toute autre différence apparente par rapport à l’idéal, nous marque comme moins dignes, de second rang, n’appartenant pas au groupe. Au lieu de cela, il dit : « Venez, partagez votre fardeau avec moi. » Il nous dit :
Car je suis l’Éternel, ton Dieu, Le Saint d’Israël, ton sauveur. […]
[…] Tu as du prix à mes yeux […et], je t’aime. […]
Ne crains rien, car je suis avec toi47.
Il répond à la douleur et à la perte qui sont tissées dans le tissu de notre expérience mortelle en nous offrant la forme la plus pure d’amour, l’amour d’alliance, et en y entrant avec nous. Ce faisant, il en change la qualité, creusant des cavernes pour son amour guérisseur. Le mot hébreu pour sacrifice, korban, signifie « il se rapproche », partageant notre douleur dans la forme la plus profonde de l’intimité et, ce faisant, la rendant rédemptrice.
Dans l’intimité de sa relation d’alliance qui guérit, guide, purifie et fortifie, nous apprenons que dans notre famille, dans notre mariage, avec nos enfants, dans nos relations de service pastoral et dans toutes nos relations : « La perfection n’est pas possible. L’intimité l’est48. » En fait, l’intimité avec le Christ est la perfection. Nous constatons que notre perfectionnisme, c’est-à-dire notre peur et notre dissimulation de notre néant, de nos faiblesses, de nos péchés et de nos souffrances, ne fait qu’interférer avec notre intimité, bloquant notre capacité de recevoir son amour et de voir, de connaître et d’aimer les autres.
Comme l’apôtre Pierre, nous aurions peut-être craint de permettre au Seigneur de voir et de laver nos pieds boueux49. Mais, comme Moroni l’a enseigné, le seul type de perfection est la perfection dans le Christ : « Oui, venez au Christ, et soyez rendus parfaits en lui ; et […] aimez Dieu de tout votre pouvoir, de toute votre pensée et de toute votre force, […] afin que par sa grâce vous soyez parfaits dans le Christ50. » Et c’est ainsi que le grand apôtre Pierre a supplié : « Seigneur, non seulement mes pieds, mais encore les mains et la tête51. »
L’écrivain chrétien Timothy J. Keller a écrit un jour : « Être aimé sans être connu est réconfortant mais superficiel. Être connu et ne pas être aimé est notre plus grande peur. Mais être pleinement connu et vraiment aimé, eh bien, c’est un peu comme être aimé de Dieu52. »
C’est l’amour auquel Dieu nous appelle tous. Nous sommes des êtres profondément relationnels, conçus pour aimer et entrer en relation avec Dieu et les uns avec les autres. Bien que la famille joue un rôle sacré dans le développement et l’expérience de cet amour, ce n’est pas là que ce genre d’amour commence et finit. Comme mon ami et collègue Ty R. Mansfield l’enseigne avec puissance, nous avons été appelés à établir des relations avec notre famille éternelle, la famille de Dieu, dont nous faisons tous partie, afin de connaître ensemble la guérison, l’appartenance et la rédemption grâce aux alliances du Seigneur. Je chéris les femmes et les hommes de ma vie qui ont montré de l’amour et ont rendu service, refusant de se laisser contraindre par la croyance erronée qu’ils ne faisaient pas partie de l’œuvre sacrée de la famille parce qu’ils étaient célibataires, divorcés ou sans enfant. Ils ont reconnu l’appel de leurs parents célestes et ont offert tout ce qu’ils avaient pour amener leurs frères et sœurs au pouvoir de leur amour.
C’est ce que nous faisons lorsque nous prenons la place de nos frères et sœurs éternels et que nous recevons des ordonnances et que nous contractons des alliances en leur faveur. C’est ce que nous faisons lorsque nous ouvrons notre cœur pour recevoir un appel en mission, sans savoir où ni comment nous pourrions être appelés à servir, sachant simplement que nous désirons ardemment offrir à nos frères et sœurs éternels la possibilité d’établir une relation d’alliance avec notre Rédempteur. C’est pourquoi, dans nos paroisses et nos pieux, nous cherchons à nous écouter, à nous connaître, à nous aimer et à nous fortifier les uns les autres dans notre relation d’alliance avec le Christ : « Car sans eux nous ne pouvons parvenir à la perfection, et sans nous ils ne peuvent pas non plus parvenir à la perfection53. » Nous sommes une famille éternelle.
Notre Rédempteur se tient devant nous et fait la prière la plus sacrée qui ait jamais été rapportée :
Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous. […]
Moi en eux, et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un54.
Puissions-nous rechercher et expérimenter cette promesse avec lui dans notre famille ici-bas et notre famille éternelle, scellés éternellement ensemble dans des relations d’amour divin et d’appartenance. Au nom de Jésus-Christ. Amen.
Notes
Jenet Jacob Erickson, professeur agrégé d’histoire et de doctrine de l’Église à BYU, a prononcé ce discours lors d’une réunion spirituelle le 8 novembre 2022.